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14.8.11
Je viens du pays…Par Ibrahima Ba
Je viens du pays, le lointain pays où…
J’ai vu l’insouciance amidonnée claquer sur un marché, entre deux éclats de rire une centaine de mille qu’une immigration pénible mais généreuse pourvoie pour suppléer le déficit d’Etat .
J’ai vu la frugalité d’un repas de rupture de ramadan se réduire au simple éclat de la blancheur d’un riz sévèrement aride.
J’ai vu des corps qui , portant les marques d’une vie de privation et de jeûne forcé à laquelle leur à astreint une certaine injustice sociale ,se plier dans un vacarme de craquements d’os pour remercier le ciel de leur permettre d’adjoindre un autre jeûne à celui que leur imposent les hommes depuis longtemps sur cette terre .
J’ai vu Yata profiter, dubitatif, de l’ombre d’un acacia avec les traits vaincus d’une vie passée à …espérer. Espérer que dans son propre pays les hommes daignent mettre un nom et un terme à une condition, la sienne et celle de sa lignée, fruit d’une imagination puérile et bassement réductrice.
J’ai vu la vie prendre les couleurs de la survie ; Celle qui tient encore pour certains et , ce depuis longtemps à une recherche laborieuse d’un kilo de riz et d’une portion d’huile trouble et douteuse permettant de casser la cynique et silencieuse quiétude d’une cour qu’un petit feu de bois illumine d’un éclat dépassant largement les promesses de la cuisson en cours.
J’ai vu trois grands âges, adossés sur les poutres béantes d’une demeure chancelante, offrir, malgré eux, à la curiosité des passants, sur leurs corps meurtris, la cruauté des marques du temps et des blessures humaines.
J’ai vu la vie devenue terne, grise, presqu’éteinte, attendre la fin dans un dénuement et une sérénité qui force le respect et refléter l’image de notre responsabilité collective dans ce naufrage humain. L’action discriminante des uns et le silence coupable des autres forment la trame d’une tragédie qui se joue encore à nos portes, dans nos murs, derrière nos confortables et feintes cécités.
J’ai vu des âmes errantes aux portes de la république, cyniquement tenues à l’écart et dont elles ne retiennent d’elle que le lointain sifflement de radio mauritanie maladroitement portée, dans un déni de réalité malpropre, à convertir en promesses d’avenir l’étendue de la misère ambiante.
J’ai vu un peuple dormir quand le président défendait son bilan ; vaincu, lui par le bilan d’une vie d’exclusion et de brimades où l’identité et la citoyenneté sont à justifier … au jour le jour , au détours de chaque coin de rue .
J’ai vu un peuple chanter à tue tête sur les ondes d’une station de relais pendant que l’autre peuple tend l’oreille dans la pénombre des nuits hivernales pour intercepter des sons venus d’ailleurs bercer son mal être citoyen.
J’ai vu des générations se succéder sous deux- bois- et -une couverture, livrées à la fureur de la rue passante et des regards désintéressés des locataires saisonniers de la wilaya.
J’ai vu la souffrance portée en bandoulière par des âmes résignées et vaincues presque honteuses de devoir affronter tant d’adversité dans leur propre pays.
J’ai vu le mal que des hommes font à d’autres hommes dans le noir silence de leurs préjugés et indifférences coupables.
J’ai vu le bonheur exultant et débordant côtoyer sans se toucher la misère immonde et contenue.
J’ai vu ceux qui comprennent sans chercher, ceux qui cherchent encore à comprendre et ceux qui n’ont même plus la force ni de chercher ni de comprendre parce que déjà largement éprouvés par un vécu ingrat où, chaque jour est une lutte et chaque lutte un sursis.
J’ai vu, pour vous, derrière nos querelles savantes, et autres « conduites éclairées » l’étendue de nos échecs et l’ampleur du chemin qui reste à faire…
Ibrahima falilou.
professeur
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