Bâ Amadou Racine :« Nous sommes opposés aux sanctions »

Vendredi dernier, l’ancienne maison des jeunes a abrité dans la matinée, un grand meeting des cadres et ressortissants du Brakna venus manifester leur soutien au « mouvement de la rectification » et exhorter la communauté internationale qui se réunissait à Bruxelles pour statuer sur le cas de la Mauritanie, d’aider les mauritaniens à trouver une solution à leurs problèmes.

Plusieurs barons politiques et anciens ministres ressortissants de la région du Brakna ont marqué de leur présence ce meeting de soutien au HCE.

En marge de la manifestation, l’ancien ministre Bâ Amadou Racine nous a livré ses impressions sur le meeting et s’est prononcé sur des questions de l’heure.



Le Quotidien de Nouakchott : Quelles sont vos impressions après la tenue de ce meeting?

Bâ Amadou Racine : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer sur ce grand meeting que nous venons d’organiser. En réalité il n’avait pas seulement pour objectif de soutenir le Haut Conseil d’Etat mais aussi de fédérer toutes les initiatives des originaires du Brakna qui au niveau départemental ou sous régional ont eu à manifester leur adhésion au mouvement rectificatif du 6 août dernier. ?

En ce qui concerne le département de Bababé qui était partie prenante de ce meeting, nous avions organisé une marche de soutien dès le 12 août 2008. Nous avons aussi participé au meeting d’Aleg du 15 août.




A la rencontre des cadres du Brakna à l’hôtel Khatter le 19 août nous étions là, comme nous étions à Aleg pour rencontrer la délégation du HCE. Je peux aussi ajouter que nos représentants avaient signé la lettre adressée au président français M. Nicolas Sarkozy. Donc ce meeting était une rencontre de toutes les initiatives au Brakna qui avaient eu lieu séparément.?

Le Quotidien de Nouakchott : La Communauté internationale menace le pays de sanction si les hautes autorités n’opéraient pas un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Qu’en pensez-vous ??

Bâ Amadou Racine : Nous sommes opposés aux sanctions contre notre pays. Vous savez que la menace existe aussi bien de la part de l’Union Européenne, de l’Union Africaine que des Nations Unies. Comme moi, vous avez certainement vu les images télé insoutenables sur le Zimbabwe. Le choléra, les autres maladies diarrhéiques et le paludisme déciment les populations.




Ajoutez à cela, et la liste n’est pas exhaustive, que le Zimbabwe a l’un des taux de prévalence du VIH/SIDA les plus élevés du monde. L’embargo contre ce pays est en grande partie responsable de cette situation catastrophique. ?

Personne ne peut et ne doit souhaiter cela à son pays et à son peuple. Nous nous mobilisons contre des sanctions éventuelles et un embargo contre notre pays car nous estimons que rien dans ce bas monde, ni un portefeuille fut-il présidentiel ou une idéologie ne vaut cette punition collective infligée à tout un peuple. Le problème n’est pas de savoir qui a raison ou qui a tort, qui est responsable ou qui ne l’est pas. A notre avis, souhaiter un embargo avec les conséquences dévastatrices pour le présent et le futur de ce pays est très, très grave. Je pense qu’il faut savoir raison gardée.?

Le Quotidien de Nouakchott : Comment voyez-vous la solution de la crise politique actuelle ??

Bâ Amadou Racine : Cette crise que nous vivons depuis bientôt 5 mois ne sera réglée que par nous. La solution est entre les mains des mauritaniens. C’est à eux de dialoguer, de se concerter et de trouver des solutions idoines à leurs problèmes. Les partenaires extérieurs et amis de la Mauritanie doivent encourager la concertation entre les mauritaniens sans partie pris pour ne pas radicaliser davantage les positions.




Seule une solution mauritanienne est viable et durable. Le HCE prévoit semble t-il avant la fin de l’année des états généraux de la démocratie. C’est une excellente idée. Le pays en avait besoin. J’espère qu’aucun mauritanien ne ratera ce rendez-vous avec l’histoire. Ce sera l’occasion, je l’espère, de trouver des solutions à tous nos problèmes. ?

Dieu seul sait qu’il y en a. J’espère que tous les problèmes seront abordés avec sérénité, sans tabou et qu’un consensus sera trouvé. Il faudra être très vigilant pour que l’ordre du jour de ces états généraux comporte toutes les grandes préoccupations des mauritaniens. Tout comme il faudra être vigilant pour que toutes les couches sociales du pays soient représentées à ces assises. La sagesse, la tolérance et l’esprit de compromis légendaire des mauritaniens feront le reste.?

Avec l’aide d’Allah notre pays se remettra sur ses pieds. Tous les mauritaniens et mauritaniennes égaux en droits et en devoirs lutteront ensemble contre le sous-développement et la pauvreté, contre l’ignorance et les maladies. En ce qui concerne la démocratie, vous savez, je compare notre situation à celle d’un enfant qui apprend à marcher. Il tombe puis se relève mais finit par marcher tout droit. ?

Que l’on ne nous impose pas des camisoles de force de la démocratie ou que l’on ne nous fasse pas de la Mauritanie, parce que faible et vulnérable, un cas d’école. C’est aux mauritaniens de trouver la marche à suivre. Nous connaissons mieux que quiconque nos possibilités et nos limites et plus nos intérêts. Nos hommes politiques doivent se ressaisir, se faire s’il le faut violence, pour une solution de sortie de crise qui tiendra compte des intérêts de notre peuple d’abord. Je vous remercie encore une fois.?

Propos recueillis par Moussa Diop?