Au bout de dix mois d’atroces souffrances, d’apprentissage et de bonne volonté, elle est parvenue aujourd’hui, plus ou moins correctement à lire les chiffres qui s’affichent sur son lecteur de glycémie,


à ajuster et à s’injecter presque machinalement les doses d’insuline qui lui sont prescrites.
Cependant, bien qu’elle soit en mesure de reconnaître les signes d’hypoglycémie et d’hyperglycémie, elle est encore incapable de les prévenir, encore moins de les corriger lorsqu’elles surviennent ; d‘adapter les doses d’insuline aux résultats des tests d’autocontrôle glycémique, aux apports glucidiques des différents repas ou aux efforts physiques accomplis pour le fonctionnement de la maison, et la prise en charge de sa fillette de quatre ans.
Placée sous insulinothérapie depuis bientôt un an, à raison de deux injections d’insuline rapide et d’une injection d’insuline NPH par jour, Bambi vit avec un diabète désespérément déséquilibré au grand dam de son médecin traitant et de son entourage.
En 10 mois elle est tombée à deux reprises dans le coma. La première fois en Janvier par acidocétose et la seconde fois au mois de mai par « overdose » d’insuline rapide.
A chaque fois elle a été sauvée in extremis par la présence heureuse de son mari qui, avec beaucoup de sang froid et de lucidité, la transportait à l’Hôpital au service des Urgences.
Elle court toujours le risque de tomber à nouveau dans le coma et/ou de développer à long terme des graves complications car ses taux de glycémie à jeun sont en moyenne supérieurs à 2g/l et la glycémie post prandiale, lorsqu’elle est effectuée, révèle des taux souvent au-dessus de 2,5 g/l.
L’auto surveillance glycémique, absolument indispensable pour ce type de diabète, est réduite au strict minimum (5 autocontrôles à jeun dans la semaine !!!) compte tenu du coût d’une boite de 50 bandelettes équivalant à près de la moitié de ce que gagne son mari en un mois.
C’est précisément sur ce mari qu’elle s’appuie principalement pour l’achat, l’administration et le suivi de son traitement. L’époux, de faible niveau d’instruction, sans qualification, est un « journalier » dans le secteur de la pêche avec des possibilités aléatoires d’emploi très mal rémunéré. Il lui arrive souvent de ne rentrer à la maison que le lendemain y abandonnant son épouse et sa petite fille seules sous la garde de leur chien dans un sinistre quartier de la périphérie de la ville.
Le montant maximum de ses revenus pour un mois complet de travail oscille autour de 27.000 Um soit moins de 85 € dont plus de la moitié est parfois consacrée aux frais hospitaliers, médicaments, examens et dispositifs médicaux (bandelettes, lancettes, autopiqueurs, seringues, pansements….) de son épouse.
Ce qui reste, moins d’1,5 € par jour, va dans la marmite pour une alimentation routinière à base de graisses animales, de pain, de céréales et de pommes de terre avec très peu de légumes et presque pas de fruits ; à l’achat de l’eau, de l’électricité ( deux ampoules avec une prise), quelques rares fois, aux transports.
Une fois par semaine elle se rend à pied, en compagnie de son mari qui lui sert aussi de traducteur, au Centre de Santé Municipal de Bagdad situé à plus de 3 km de son domicile, pour une consultation, une glycémie capillaire, l’achat de l’insuline ou de bandelettes.
Ce sont les seules prestations fournies par ce Centre de Santé aux diabétiques de la région en plus de la visite que leur rend une fois par an, au mois de juin, une endocrinologue espagnole dans le cadre d’une expédition « humanitaire » organisée par le Rotary Club d’Arucas auprès de l’Association des Diabétiques du Nord (ADN)

, elle reçoit gratuitement des seringues, des édulcorants, parfois de l’insuline et surtout beaucoup de conseils en présence de son mari, sur la gestion de sa maladie, en particulier sur les risques des grossesses avec des hyperglycémies fréquentes accentuées par une alimentation déséquilibrée et un manque d’activité physique.
Il a été recommandé au couple, qui paraît y être hostile, de consulter des services de gynécologie pour l’utilisation des méthodes contraceptives. Le cycle menstruel de Bambi est devenu irrégulier depuis qu’elle a vécu plus de 10 semaines d’aménorrhée au début de l’année ce qui avait nécessité trois tests de grossesse qui se sont révélés en définitive négatifs. Aucun examen sérieux à ce jour n’a été mené pour déterminer les causes de ce dérèglement peut être lié au dernier accouchement qui s’était traduit par le décès de son garçon.
Faute d’un bilan de santé, même partiel, depuis le dépistage du diabète, il est impossible de se prononcer avec certitude sur l’existence ou non de certaines complications. Avec une gêne qu’elle parvient difficilement à dissimuler, elle se plaint parfois de douleurs du côté du cœur et de problèmes oculaires mais sans trop d’insistance comme pour éviter d’embarrasser davantage ceux à qui elle se confie.
C’est au prix d’intenses efforts et grâce à la présence et au soutien constants de son mari, que Bambi commence à acquérir une timide autonomie dans la gestion quotidienne de sa maladie.

Néanmoins les obstacles à surmonter (pauvreté, ignorance, absence d’encadrement) demeurent encore suffisamment contraignants pour la considérer hors de danger.
Issa Mamadou DIOP
Président ADN
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