Vu de Nouadhibou…
Vu de Nouadhibou, le monde est un gros port où des hommes et des marchandises à quai ou en gare attendent sur la piste de la vie un hypothétique départ ou une éventuelle arrivée.
Une vie de poisson ; un poisson péché au large et qui a vocation à « prendre le large » pour aller atterrir sur des assiettes plus « dignes » ; sous d’autres cieux.
Une vie d’hommes aux visages marqués par une nuit d’insomnie et de labeur à envoyer ailleurs un minerai dont les seules traces visibles ne s’affichent que sur leurs corps éreintés et maquillés en rouge. Des hommes qui traînent leurs ombres dans les lueurs matinales d’un froid glacial et qui regagnent leurs cités la tête baissée, en serviteurs dociles d’une manne qui entretient la République mais que cette dernière a du mal à la leur rendre.
Du fonds de leurs cités cloisonnées et étiquetées, ils ressemblent, pour beaucoup aux fidèles pensionnaires d’une prison à ciel ouvert.
Un peuple de numéros et de matricules parqués dans un ordre parfait où le statut est d’abord une histoire puis une géographie. Triste legs colonial des anciens maîtres des lieux :
La Cité « cartouche » balayée par les vents maritimes qui bercent son sommeil, cède petit à petit à la fureur des intempéries et à l’inaction des hommes.
La cité « africaine » étouffe de sa promiscuité ; la « française » de son nom et la « nouvelle » de sa vétusté.
Bienvenue à Cansado !
Sept kilomètres plus loin, sur la route, le train minéralier sifflant sa colère et celle des hommes vous rappelle que la vie, ici se conjugue en tonnages et qu’elle est de couleur rouge et que vous devez vous plier à la quotidienne séance de maquillage qu’elle impose à tous ceux qui, à peine sortent encore de leurs réveils pénibles.
Un léger virage à droite vous envoie dans la zone portuaire jadis, si grouillante mais aujourd’hui murée dans un silence assourdissant, témoin d’une époque.
Quelques mètres plus loin, la cité SNIM, devenue par la force des choses un « village planétaire » où viennent s échouer tous les étrangers en transit ou venus explorer d’autres cieux.
Le plus grand entassement d’êtres humains livrés à la cupidité des courtiers de l’immobilier et à la désertion de la société- mère.
A quelques pas de là le centre ville- qui n’en est plus un d’ailleurs –tant il est indigne d’une capitale économique, poumon de l’économie nationale. La Mairie, à droite, comme honteuse de cette situation s’abrite discrètement derrière l’imposant bâtiment de la SMCP chargée de commercialiser le poisson, tout le poisson !
Une proximité qui est certainement du goût de la mairie qui doit rester discrète pendant que la ville croupit sous des tas d’immondices et elle sous les crédits ! Complicités de voisinage entre ceux qui nous refusent le poisson et la vie saine pour cause de gestions tatillonnes et peu orthodoxes.
La wilaya, elle croupit sous la coupe d’un palais de justice qui dresse majestueusement sa bâtisse en construction comme une promesse d’avenir ; celle d’une justice pour tous et en toute circonstance, affranchie de la tyrannie des arguments sonnants et trébuchants.
A gauche, le lycée ; haut lieu de la médiocrité et temple de la mode « dernier cri » qu’une jeunesse « Chris cross » en mal de repères a fini par adopter comme mode d’existence.
Profs et élèves baignent dans une ambiance surréaliste où l’excellence et le mérite sont loin d’être les valeurs cardinales d’une famille scolaire malmenée par les nombreuses reformes et minée par la lassitude et la démission des uns et la culture des « solidarités tricheuses » des autres.
Non loin de là la principale rue commerçante ; royaume des nantis mais aussi des miséreux, des laissés pour compte. Victimes malheureuses de politiques ou plus précisément d’absence de politique d’emploi cohérente.
Ici, parqués dans un couloir qui fait office de marché, une jeunesse pleine de vie et d’énergies s’abîme dans les méandres de l’oisiveté et des petits boulots de consolation : Portables ceinturons, parfums, à la main, ils vendent leurs jeunesse pour faire face à un quotidien implacable, dans une indifférence qui frise le mépris.
Sur leurs visages se lit la détresse de jeunes âmes livrées aux affres d’une société qui leur refuse tout ; jusqu’au droit de mettre leur vitalité au service de causes plus « engagées », moins ingrates .
C’est le Nouadhibou des Naufragés qui, le soir se retrouvent dans les cybercafé pour éplucher les derniers bulletins météo à la recherche d’un « vent favorable » qui les enverra s’ échouer par une nuit de pleine lune sur les plages de Barça ou dans les bas–fonds de l’océan atlantique. A coté de cette misère aguerrie, « kra nasraani » la belle. Le Nouadhibou de l’opulence, des délires et des excès.
Grands châteaux, grosses cylindrées se disputent l’espace et les grands soins d’une armée de petites gens affectées à la besogne .Le Nouadhibou de l’insolence tapageuse mais aussi des générosités fracassantes car au pied de certaines de ces demeures une meute de mendiants épient, l’œil alerte, les sorties du maître des lieux, fervent adepte de la solidarité islamique.
Le grand marché où en note discordante, de braves femmes défient les lois de la mondialisation en s’investissant dans des activités commerciales à même de leur rendre une dignité longtemps bafouée sous le fallacieux prétexte de leur infériorité naturelle .Aujourd’hui l’activisme de ces femmes , sonne comme un désaveu d’un certain ordre et d’une certaine idée de la société.
Surgie enfin de loin la silhouette difforme des quartiers populaires de « numéro watt » où se côtoie le peuple ,la Mauritanie plurielle, riche de sa diversité et cimentée par les valeurs d’un islam tolérant. Ici riches et pauvres vivent en symbiose parfaite, faite de débrouillardise et de solidarités agissantes.
Dans certaines familles la faim se conjugue au quotidien ; l’espoir au passé.
Le temps a fini par effacer les dernières illusions, les rêves d’antan. Ceux qu’ils avaient nourris, l’espace d’une élection parce que savamment distillés par des hommes venus briguer leurs suffrages et qui leur promettaient du pain… juste du pain pour tromper les fragiles estomacs des enfants qui ne peuvent avaler la sempiternelle litanie de la « conjoncture internationale difficile.»
Premier,deuxième ,troisième,quatrième ,cinquième…robinets… la longue liste de robinets alignés sur les dédales de l’impuissance et de la fatalité et qui, partagent désormais l’ultime conviction que l’essentiel est de s’économiser et ne pas abuser de ses forces à chercher à comprendre car il n’y a rien à comprendre ; c’est comme cela… on se tait et on tente de survivre «en attendant le bonheur … »
Vu de Nouadhibou, le monde est un gros port où des hommes et des marchandises à quai ou en gare attendent sur la piste de la vie un hypothétique départ ou une éventuelle arrivée.
Une vie de poisson ; un poisson péché au large et qui a vocation à « prendre le large » pour aller atterrir sur des assiettes plus « dignes » ; sous d’autres cieux.
Une vie d’hommes aux visages marqués par une nuit d’insomnie et de labeur à envoyer ailleurs un minerai dont les seules traces visibles ne s’affichent que sur leurs corps éreintés et maquillés en rouge. Des hommes qui traînent leurs ombres dans les lueurs matinales d’un froid glacial et qui regagnent leurs cités la tête baissée, en serviteurs dociles d’une manne qui entretient la République mais que cette dernière a du mal à la leur rendre.
Du fonds de leurs cités cloisonnées et étiquetées, ils ressemblent, pour beaucoup aux fidèles pensionnaires d’une prison à ciel ouvert.
Un peuple de numéros et de matricules parqués dans un ordre parfait où le statut est d’abord une histoire puis une géographie. Triste legs colonial des anciens maîtres des lieux :
La Cité « cartouche » balayée par les vents maritimes qui bercent son sommeil, cède petit à petit à la fureur des intempéries et à l’inaction des hommes.
La cité « africaine » étouffe de sa promiscuité ; la « française » de son nom et la « nouvelle » de sa vétusté.
Bienvenue à Cansado !
Sept kilomètres plus loin, sur la route, le train minéralier sifflant sa colère et celle des hommes vous rappelle que la vie, ici se conjugue en tonnages et qu’elle est de couleur rouge et que vous devez vous plier à la quotidienne séance de maquillage qu’elle impose à tous ceux qui, à peine sortent encore de leurs réveils pénibles.
Un léger virage à droite vous envoie dans la zone portuaire jadis, si grouillante mais aujourd’hui murée dans un silence assourdissant, témoin d’une époque.
Quelques mètres plus loin, la cité SNIM, devenue par la force des choses un « village planétaire » où viennent s échouer tous les étrangers en transit ou venus explorer d’autres cieux.
Le plus grand entassement d’êtres humains livrés à la cupidité des courtiers de l’immobilier et à la désertion de la société- mère.
A quelques pas de là le centre ville- qui n’en est plus un d’ailleurs –tant il est indigne d’une capitale économique, poumon de l’économie nationale. La Mairie, à droite, comme honteuse de cette situation s’abrite discrètement derrière l’imposant bâtiment de la SMCP chargée de commercialiser le poisson, tout le poisson !
Une proximité qui est certainement du goût de la mairie qui doit rester discrète pendant que la ville croupit sous des tas d’immondices et elle sous les crédits ! Complicités de voisinage entre ceux qui nous refusent le poisson et la vie saine pour cause de gestions tatillonnes et peu orthodoxes.
La wilaya, elle croupit sous la coupe d’un palais de justice qui dresse majestueusement sa bâtisse en construction comme une promesse d’avenir ; celle d’une justice pour tous et en toute circonstance, affranchie de la tyrannie des arguments sonnants et trébuchants.
A gauche, le lycée ; haut lieu de la médiocrité et temple de la mode « dernier cri » qu’une jeunesse « Chris cross » en mal de repères a fini par adopter comme mode d’existence.
Profs et élèves baignent dans une ambiance surréaliste où l’excellence et le mérite sont loin d’être les valeurs cardinales d’une famille scolaire malmenée par les nombreuses reformes et minée par la lassitude et la démission des uns et la culture des « solidarités tricheuses » des autres.
Non loin de là la principale rue commerçante ; royaume des nantis mais aussi des miséreux, des laissés pour compte. Victimes malheureuses de politiques ou plus précisément d’absence de politique d’emploi cohérente.
Ici, parqués dans un couloir qui fait office de marché, une jeunesse pleine de vie et d’énergies s’abîme dans les méandres de l’oisiveté et des petits boulots de consolation : Portables ceinturons, parfums, à la main, ils vendent leurs jeunesse pour faire face à un quotidien implacable, dans une indifférence qui frise le mépris.
Sur leurs visages se lit la détresse de jeunes âmes livrées aux affres d’une société qui leur refuse tout ; jusqu’au droit de mettre leur vitalité au service de causes plus « engagées », moins ingrates .
C’est le Nouadhibou des Naufragés qui, le soir se retrouvent dans les cybercafé pour éplucher les derniers bulletins météo à la recherche d’un « vent favorable » qui les enverra s’ échouer par une nuit de pleine lune sur les plages de Barça ou dans les bas–fonds de l’océan atlantique. A coté de cette misère aguerrie, « kra nasraani » la belle. Le Nouadhibou de l’opulence, des délires et des excès.
Grands châteaux, grosses cylindrées se disputent l’espace et les grands soins d’une armée de petites gens affectées à la besogne .Le Nouadhibou de l’insolence tapageuse mais aussi des générosités fracassantes car au pied de certaines de ces demeures une meute de mendiants épient, l’œil alerte, les sorties du maître des lieux, fervent adepte de la solidarité islamique.
Le grand marché où en note discordante, de braves femmes défient les lois de la mondialisation en s’investissant dans des activités commerciales à même de leur rendre une dignité longtemps bafouée sous le fallacieux prétexte de leur infériorité naturelle .Aujourd’hui l’activisme de ces femmes , sonne comme un désaveu d’un certain ordre et d’une certaine idée de la société.
Surgie enfin de loin la silhouette difforme des quartiers populaires de « numéro watt » où se côtoie le peuple ,la Mauritanie plurielle, riche de sa diversité et cimentée par les valeurs d’un islam tolérant. Ici riches et pauvres vivent en symbiose parfaite, faite de débrouillardise et de solidarités agissantes.
Dans certaines familles la faim se conjugue au quotidien ; l’espoir au passé.
Le temps a fini par effacer les dernières illusions, les rêves d’antan. Ceux qu’ils avaient nourris, l’espace d’une élection parce que savamment distillés par des hommes venus briguer leurs suffrages et qui leur promettaient du pain… juste du pain pour tromper les fragiles estomacs des enfants qui ne peuvent avaler la sempiternelle litanie de la « conjoncture internationale difficile.»
Premier,deuxième ,troisième,quatrième ,cinquième…robinets… la longue liste de robinets alignés sur les dédales de l’impuissance et de la fatalité et qui, partagent désormais l’ultime conviction que l’essentiel est de s’économiser et ne pas abuser de ses forces à chercher à comprendre car il n’y a rien à comprendre ; c’est comme cela… on se tait et on tente de survivre «en attendant le bonheur … »
A suivre ...
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