Mauritanies1 - Lors de la rencontre d’affaires du 25 janvier
à Sharjah entre Mauritaniens et promoteurs arabes aux Emirats unis, organisée
par le Ministère des Affaires Economiques, le AAAID et la Chambre de Commerce
des Emirats Arabes, dans le cadre de la promotion des investissements privés
arabes en Mauritanie, nous avons croisé BA Abdoulaye Mamadou,
maire de Bababé
et actuel Directeur Général de la Société Mauritanienne de Commercialisation du
Poisson(SMCP).
Entretien exclusif.
Vous êtes à la tête de la SMCP depuis 2011. Comment se porte
cette structure ?
Je me félicite de l’honneur que le Président de la
République m›a fait pour diriger cette importante entreprise où l’État est
majoritaire. Je me félicite de cette confiance renouvelée et en même temps des
résultats que nous avons pu faire durant ces dernières années.
Je pense que la société évolue positivement aujourd’hui.
Depuis mon arrivée à la tête de cette structure, nous avons pu réaliser de bons
résultats, aussi bien en matière de chiffre d’affaires, qu’en termes de
bénéfices. Je rappelle simplement qu’avant 2010/2011, la société mauritanienne
chargée de l›exportation des produits congelés, soumis à l'obligation de
débarquement, exportait globalement pour un chiffre d›affaires variant de 150 à
200 millions US dollars. Depuis 2011, nous avons dépassé le cap de 200 millions
US dollars, pour nous positionner entre 250 et 300 millions US dollars. Cette
année, nous avons pu exporter globalement 80.119 tonnes de poissons, contre
62.556 tonnes en 2014 soit une amélioration du point de vue quantitatif de 28%.
Globalement, le chiffre d’affaires enregistré par la SMCP a accusé un léger
recul de 2.18 % entre les deux dernières années: passant de 274,038 millions US
dollars en 2014, à 268,064 millions US dollars en 2015. Cette baisse s’explique
par un cumul de facteurs limitatifs, notamment :
1°) l’impact de la baisse de la parité euro/US dollar : le
taux de change de l’euro a oscillé en moyenne, dans la fourchette
<<1 .35us="" dollar-1.09="" dollar="" us="">>; la facturation à l’exportation
étant opérée en euro pour une part importante de la production, cette variation
du taux de change a eu un impact négatif sur le chiffre d’affaires réalisé par
l’entreprise.1>
2°) l’effort consenti par la Tutelle au profit des
mareyeurs, qui a consisté à faciliter l’approvisionnement du marché malien par
le produit de ces opérateurs, sur la base d’un prix préférentiel uniforme de
380 euros par tonne, pour l’ensemble des espèces dites d’Afrique, exportées
vers ce marché;
3°) le retard considérable accusé pour la vente du premier
stock de la saison en cours, occasionné par la durée des négociations avec les
clients nippons, ouvertes depuis le 22 novembre 2015, et qui n’ont abouti que
le 07 janvier 2016, par la fixation des prix de vente qui seront ainsi en
vigueur jusqu’au 31 janvier 2016. N’eut été le retard ci-dessus décrit, plus de
2 000 tonnes de la production débarquée depuis le début de la saison d’hiver(15
novembre 2015), auraient été embarquées au cours du mois de décembre dernier,
et leur valeur comptabilisée pour l’exercice 2015(soit environ 15 millions d’US
dollars).
Quels sont les principaux destinataires de ces exportations
?
Les principaux marchés de destination sont :
• Le marché Asie (Japon, Chine, Corée du Sud, etc.) ;
• Le marché Europe (Italie, Espagne, Grèce, Portugal, etc.)
;
• Le marché Afrique (Mali, Côte d’Ivoire, Angola, Ghana,
etc.)
Le volume global exporté par la SMCP en 2015 se répartit de
façon plus ou moins équitable entre ces différents marchés : soit 26486 tonnes
pour l’Asie, 26858 tonnes pour le marché Europe et 26775 tonnes pour le marché
Afrique. Le marché Africain a fortement augmenté. Nous sommes partis de 9600
tonnes/an il y a une année à 27.000 tonnes/an aujourd’hui. Ceci s’explique par
la réorganisation des exportations qui est devenue plus structurée et
formalisée, grâce à la collaboration entre toutes les composantes du
secteur(Ministère, BCM,FNP des mareyeurs et SMCP). Par exemple, nous sommes
arrivés avec les mareyeurs à réorganiser la filière dans le but d’optimiser les
ventes à l’export. Nous leurs avons aussi trouvé une formule pour rapatrier
leurs devises après la vente de leurs produits. En plus, l’Etat a aussi accordé
un prix de vente préférentiel à certains pays comme le Mali, qui est un pays
frère et qui n’a pas de côte maritime. Il convient de noter qu’en terme de
quantité, bien que les exportations vers l’Europe ne représentent que 33% du
total exporté, le chiffre d’affaires réalisé est important et représente 50%
des ventes, contre 44% pour le marché Asiatique et seulement 6% pour l’Afrique.
Qu'est -ce qui explique cette faible part de l'Afrique dans
le chiffre d›affaires exporté alors quelle importe un volume quasiment égal à
ceux de l›Asie et de l›Europe?
En fait, l’Afrique n’est demandeur que de produits à très
faible valeur commerciale. On aurait pu faire de résultats meilleurs par
rapport à l’année dernière mais, comme je viens de vous le dire, en dehors de
la faible valeur commerciale de produits destinés à l’Afrique avec des prix
préférentiels: pour les espèces de pêche pélagique, notamment le chinchard, le
maquereau et la sardinelle dont le prix à la tonne varie entre 400 et 800 us
dollars, alors que les produits destinés au Japon, les céphalopodes notamment,
dont le prix actuel varie entre 7200 et 4800 US dollars la tonne. Vous
constatez par vous-même, l’écart.
Comment se sont déroulées vos dernières négociations pour la
vente de la production en cours, après la reprise de la pêche ?
Les dernières négociations pour la fixation des prix de
notre production hiver ont été laborieuses et parfois difficiles, car les
japonais avaient souhaité une forte baisse des prix par rapport à la dernière
cotation de l’été (de -1000 US dollars à -600 US dollars). Ils ont avancé pour
cela plusieurs arguments, en indiquant entre autres, la faiblesse du Yen par
rapport au dollar, l’existence d’une production abondante et de bonne qualité
au Maroc, avec des prix bien inférieurs aux nôtres, et l’existence d’un stock
important de sécurité d’environ 17.000 tonnes. Nous avons indiqué que notre
production est, en cette période, maîtrisée et modeste et que nous tenons à la
préservation des intérêts de nos pêcheurs, surtout artisans, en plus du fait
que nos clients européens continuaient d’acheter aux anciens prix, même s’il
est vrai que ces derniers n’achètent que des quantités limitées de poulpe de
grandes tailles. Finalement, nous avons pu aboutir, après plus d’un mois de
négociations au maintien du prix des grandes tailles(T3,T4, T5) et celui des
PR1, PR2,PR3 et PR) et en concédant une légère diminution des petites tailles
de 400 US dollars(T6,T7 et T8 ; c’est vous dire qu’une partie de la production
de 2015 n’a pu être vendue qu’à partir du 7 janvier 2016, date de conclusion
des négociations.
La Mauritanie est venue aujourd›hui exposer ses opportunités
d›investissements aux Emirats Arabes Unis, précisément à Sharjah. Que représente
ce marché pour vous?
Cette journée de promotion est importante. Comme vous l’avez
constaté, le gouvernement Mauritanien a envoyé une délégation fortement
représentée par des ministres, de hauts fonctionnaires, de plusieurs directeurs
généraux de grandes sociétés et par un nombre important d’opérateurs et
d’hommes d’affaires privés, pour présenter les opportunités aux bailleurs de
fonds arabes venus nombreux des émirats arabes, de Arabie saoudite, du Koweït
et des autres pays du golfe. La Mauritanie, lors des différentes présentations,
a exposé de grands projets touchant plusieurs secteurs. Que ça soit dans le
domaine de l’agriculture, de l’élevage, de l’agro-industrie, les exposés ont
attiré l’attention des investisseurs du golfe.
Le secteur halieutique a fait d’une grande sollicitude, ce
qui a abouti à la création d’une société mixte entre le groupe AAAID (51%), les
opérateurs privés Mauritaniens (39%) et l’Etat Mauritanien représenté par la
SMCP (10%). C’est une entreprise qui aura un capital de 11 millions de dollars,
presque 3.8 Milliards d’Ouguiyas. L’entreprise qui va mobiliser des
financements extrêmement importants pour la mise en place d’infrastructures,
notamment de stockage à NKTT et à NDB, de traitement et de la transformation de
poisson. C’est essentiel, c’est un premier pas vers la valorisation de la
production nationale car jusque-là, tous les produits halieutiques sont
exportés à l’état brut. Il est donc important que cette nouvelle vision tracée
dans le cadre de la stratégie mise en place par le ministère des pêches pour
les années 2015/2019 commence à porter fruits par la création de valeur ajoutée
et d’emplois dans le secteur des pêches.
En tant que maire de Bababé, homme politique de première
heure, quelle lecture faites vous sur le climat politique Mauritanien ?
Je vous remercie pour cette question assez délicate mais qui
m’intéresse au premier plan parce qu’étant effectivement un élu du peuple, je
me permets d’assurer un suivi assez régulier de la situation nationale. Avant
de développer cette importante question, permettez moi tout d’abord de réitérer
mes condoléances émues au Président de la République, à sa famille, à la presse
et à l’ensemble du peuple mauritanien pour la disparition tragique d’Ahmedou
Ould Abdel Aziz, du jeune journaliste Cheikh Oumar N’diaye ainsi que les autres
victimes dont un reporter.
S’agissant de la situation nationale et nonobstant le fait
que le président de la république a été brillamment réélu par la majorité des
mauritaniens en 2014 et que l’assemblé nationale est constituée majoritairement
de partis qui soutiennent son programme politique, le président a exprimé sa
volonté pour un dialogue politique inclusif avec l’ensemble des acteurs
politiques et de la société civile, je me félicite de cette magnanimité de son
excellence et souhaite que les acteurs interpelés par cet appel y répondre
favorablement. Je rappelle à tous, que le peuple et le monde nous observe et
qu’il est important que tous soient à la hauteur des attentes.
Par le dialogue, il est loisible à chacun, d’aborder toutes
les questions, d’intérêt national, sans aucun tabou ni réserve. Je précise que
le monde a honoré cette année, , le trio tunisien qui a mené le dialogue en
Tunisie par le prix Nobel de la paix. Je souhaite également inviter tous les
acteurs à éviter l’extrémisme qu’il soit communautaire ou religieux, notre pays
a besoin de paix, d’unité, de fraternité et de solidarité. Je pense que l’on
peut y arriver par la tolérance et le dialogue. Nous devons aussi méditer tout
ce qui se déroule autour de nous, et à travers le monde. Partout c’est la haine
et la violence que nous voyons à longueur de journée, que ce soit au moyen
orient, en Syrie, en Iraq, en Palestine ou en Afrique, au Mali, en RDC, au
Nigéria, au Tchad, au Burundi, etc.… C’est à croire que des pierres ont
remplacées le cœur des hommes et ce malgré qu’ils se réclament tous du même
Dieu.
Alhamdoulillah, notre pays est épargné de ces soubresauts
par la clairvoyance et la détermination du président Aziz. Il revient alors à
tous les patriotes d’accompagner cette vision et de renforcer le front
intérieur pour faire face à toute tentative de déstabilisation de notre pays.
Je vous le redis, on ne peut jouir de la liberté et de la démocratie que s’il y
a la paix. Il faut aussi le dire, qu’il n’a pas de véritable démocratie sans
institutions fortes et au premier rang desquelles une opposition républicaine,
je souhaite qu’elle joue pleinement son rôle, sans qu’elle n’y soit entravée
mais sans que cette même opposition ne soit amnésique. Veillons tous à ce que
les intérêts fondamentaux de notre pays prennent le pas sur nos intérêts
particuliers ou partisans, nous n’avons que la Mauritanie à laisser aux
générations futures.
Faisons tous notre possible pour que cette Mauritanie là
soit un havre de paix, harmonieuse, démocratique, juste et développée. Avec un
peuple heureux, libre et épanoui. C’est cela que je souhaite pour mon cher pays
que nous aimons tous. Je vous remercie infiniment pour cette opportunité que
vous m’offrez et souhaite plein de succès à votre journal.
source cridem
Propos recueillis par
Dia El Hadj Ibrahima
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