
12 janvier 2010, des images insoutenables ont circulé dans les médias internationaux sur la catastrophe humanitaire qui vient de s’abattre sur la République de AYITI, comme on l’appelle affectueusement en créole.
Un tremblement de terre d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter venait, en une minute, de détruire Port-au-Prince la capitale, et une bonne partie de sa banlieue. Depuis cette date, une cinquantaine de répliques ont été enregistrées, jetant dans les rues plus de 3 millions de sans abris, soit le tiers de la population du pays.
Les morts et les disparus se comptent par centaines de milliers et beaucoup de corps sont encore sous les décombres.
Le gouvernement est décapité et toutes les institutions publiques et privées du pays (armée, police, écoles, hôpitaux etc. …) sont hors d’usage.
Cette catastrophe jamais égalée dans l’histoire de l’une des plus anciennes républiques du monde, interpelle la conscience et la solidarité humaines. Un formidable élan de solidarité au peuple haïtien est né et presque toutes les nations du monde se mobilisent pour venir en aide à ce peuple meurtri par des siècles d’injustice, de catastrophes naturelles et de mauvaise gestion.
J’ai déjà eu la chance à plusieurs reprises de séjourner dans cette très belle île, de parcourir le pays du Cap Haïtien aux Cailles, de recevoir en Mauritanie des amis ayitiens et de côtoyer quelques membres de l’importante diaspora ayitienne en Afrique, en Europe et aux Amériques.
Ayiti est l’une des plus anciennes républiques du monde et la première dirigée par une population d’origine africaine. Indépendante en 1804 après une décennie de guerre de libération, Ayiti a été isolée, ostracisée à la naissance. La France de Napoléon ne lui pardonnera jamais sa défaite et fera tout pour mettre le pays à genoux.
La Constitution de 1805 stipule que tout descendant d’Afrique arrivant à Ayiti serait libre et citoyen du pays. C’était le début du phénomène des ‘’nègres - marrons’’ dans les Caraïbes. Pour la première fois dans un monde dominé et basé sur le système esclavagiste, un pays noir, libre et souverain, était né.
Il n’était donc pas question que, les puissances économiques et politiques de l’époque reconnaissent cette indépendance qui pourrait faire tâche d’huile dans la région. Un embargo fut imposé au pays. Même l’Amérique qui sortait d’une cinquantaine d’années de guerre de libération et qui venait d’adopter une constitution très progressiste refusera de reconnaître le nouveau pays et participera activement à l’isolement du pays. Comme le reste du monde occidental elle se solidarisera avec la France.
Au 21ème anniversaire du pays, en 1825, lors des festivités de l’indépendance, la France fut conviée à des négociations. La crise économique et sociale que vivait Ayiti, l’obligera à négocier avec l’ancienne puissance coloniale, ou plutôt de se plier au diktat de la France. La France acceptera de reconnaître l’indépendance du pays moyennant une compensation et des réparations évaluées à 150 millions de francs/or de l’époque.
Dos au mur, Ayiti accepta de payer. Une équipe française d’experts comptables se rendit à Ayiti pour évaluer les pertes subies par la France. Les 500.000 anciens esclaves ayitiens, les terres perdues et ‘’d’autres pertes’’ étaient comptabilisées et devraient être remboursées avant la levée de l’embargo et la reconnaissance du pays par le monde occidental.
La destruction systématique du pays pouvait commencer et une exploitation sans merci était engagée (exploitation des sous – sol, destruction des forêts, destruction de l’appareil d’Etat etc.…). Durant le 19ème siècle, 70% des ressources du pays étaient utilisés pour payer le service de la dette qui ne fut ‘’achevée’’ qu’avec l’occupation américaine.
Avec la destruction des champs de canne à sucre et de café, la détérioration des termes de l’échange, le pays était dans une situation ingouvernable et insoutenable. Il faut rappeler aussi que Ayiti était obligé d’emprunter des devises sur le marché financier français privé avec des intérêts doublés, pour payer le gouvernement français.
D’ailleurs quand l’Amérique envahit le pays au 20ème siècle et y resta plusieurs décennies, un des arguments avancés était qu’ils étaient venus aider la France à recouvrer ses créances.
A la Conférence des Nations Unies sur le Racisme à Durban en 2001, une résolution fut adoptée et envoyée au Gouvernement français pour lui demander de rembourser les 150 millions de francs/or payés par Ayiti et indûment encaissés. Les experts financiers estimaient la valeur de cette somme à 21 milliards de dollars américains au cours actualisé.
A la fin de l’occupation américaine, la famille Duvalier, fut installée au pouvoir. Le régime de Duvalier Père et de Bébé Doc avec leurs célèbres tontons macoutes, fit beaucoup de ravages favorisant un exode de milliers d’intellectuels du pays.
L’arrivée du Père Aristide, pourtant démocratiquement élu dans les années 80, n’a pas pu résoudre les problèmes tant le passif humanitaire et économique était lourd. L’élection de l’actuel Président Préval, lui aussi démocratiquement élu selon les observateurs occidentaux, coïncidera avec des cyclones récurrents, des tempêtes tropicales meurtrières et maintenant un tremblement de terre dévastateur.
Ayiti regorge de ressources humaines de grandes valeurs. Malheureusement une bonne partie des intellectuels ayitiens dont beaucoup sont de très haut niveau se trouvent à l’extérieur chassés par la pauvreté et les violations massives de droit de l’homme qui se sont succédées.
L’Afrique doit se lever et se mobiliser pour aider ce pays frère, et se rappeler qu’en 1960, lorsque les Belges ont quitté le Congo, fâché, une aide massive est venue de Haïti pour renforcer les systèmes éducatif, sanitaire et administratif. C’était l’un des premiers jalons de la coopération Sud/Sud. La Communauté internationale en général, le monde occidental en particulier a le devoir d’aider à la reconstruction de Ayiti ;
Une mobilisation internationale, la société civile, des ONG et organismes publics et privés et des institutions internationales est nécessaire pour aider ce pays martyrisé.Ayiti possède encore des ressorts et des potentialités pour se relever tant les ressources humaines dont il dispose sont dynamiques et entreprenantes.
C’est l’occasion pour moi de présenter mes condoléances les plus attristées au Gouvernement et au peuple haïtien, au système des Nations Unies, aux Organisations Non Gouvernementales qui opèrent à Haïti ainsi qu’à tous les amis du peuple haïtien, pour les pertes humaines et matérielles subies. Ayiti renaîtra de ses cendres et surprendra dans les prochaines années plus d’un.
Amadou Racine BA
Ancien Ministre, ancien Ambassadeur
Président de l’Association Mauritanienne pour les Nations Unis (AMANU)
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