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12.5.08

La crise de l'éducation

La crise profonde que traverse le secteur de l’éducation reste pour l’essentiel tributaire des lourds héritages de gestion tatillonne qu’a connu le département ces vingt dernières années.De réformes à forts relents politiques en passant par la main mise des caciques mafio-corporatistes, l’école mauritanienne a souffert du manque d’expérience, de professionnalisme et de vision de ceux qui avaient en charge de la conduire.Résultat: Un système en déliquescence, des niveaux au plus bas, des enseignants démotivés, un manque de visibilité sur la politique éducative, un support pédagogique peu fiable, un enseignement au rabais sacrifiant le qualitatif au quantitatif.
Cette situation justifie sans doute la volonté des pouvoirs publics à assainir le secteur et à lui donner une nouvelle impulsion. C’est sans doute aussi cette ambition qui dicte le choix de l’actuel ministre à la tête du département ; elle dont les qualités intellectuelles certaines, la personnalité de battante et la force de conviction en font a priori la personne qualifiée pour mener des reformes dans un univers gangrené par le laxisme et l’amateurisme. Seulement, une telle tâche requiert à mon sens trois dispositions d’esprit:Premièrement on ne relève pas un mammouth par la seule force de ses bras : Ce département cristallise sur lui toutes les luttes politico idéologiques du pays en raison de sa dimension stratégique. Toute réforme, refonte ou velléité de réorganisation se heurtera forcément à des résistances internes et externes qui risquent d’entacher sa légitimité et par conséquent de saper ses fondements. Une politique de réforme doit s’inscrire dans cette logique consistant à identifier et reconnaître les poches de résistances afin de les intégrer dans une politique de communication ciblée qui déterminera le bien fondé de ces reformes.
Chercher à passer en force, c’est s’exposer à l’inertie et à la capacité de nuisance de tous ceux qui hélas continuent de confondre encore privilèges et droits. Le faire, ce n’est pas se compromettre mais adopter une stratégie réfléchie pour vaincre les lourds héritages d’un immobilisme rigide.
Deuxièmement l’école est et doit être une tribune d’excellence, de tolérance et de reconnaissance des différences.Nul ne saurait prétendre avoir le monopole de la vérité ; surtout quand cette vérité est perçue sous des prismes divergents d’acteurs aussi divergents qu’épars. Une reforme n’est viable que si elle est l’expression d’un consensus ; si elle est le fruit d’une concertation large à même de réduire les divergences de perception et donc de gestion.Il faut certes des pôles de décisions mais ceux-ci doivent intégrer dans leurs délibérations les apports et contributions de ceux qui ont en charge de les exécuter sur le terrain. Les états généraux de l’éducation auraient dû être en amont de ce processus d’assainissement de l’école. Le bénéfice aurait été une meilleure implication des enseignants dans l’élaboration et l’exécution de la politique éducative mais également une appropriation de cette politique. L’effet psychologique aurait été déterminant et nous aurait évité le tumulte tapageur de ces grèves à répétition.
Troisièmement enfin, un ordre de priorité devrait être établi par rapport aux grands chantiers afin de démêler entre « l’infrastructure » et la « superstructure » … Combien de « cahiers » et autres supports moisissent dans les magasins des établissements faute de pouvoir être utilisés. La grande insuffisance de notre système éducatif est essentiellement de l’ordre des ressources humaines : revaloriser le statut de l’enseignant, lui redonner foi en l’école, le ramener physiquement mais aussi moralement en classe en l’extirpant des méandres des douloureuses fins de mois, me semble être la priorité des priorités.Trop de réformes en même temps tue la réforme. C’est connu ! Il faut un temps d’accoutumance et une psychologie de proximité pour faire passer les amères pilules des réveils douloureux. Car la frustration d’être rattrapé par la réforme (question de langue), ajoutée à l’impression de n’être pas consultés dans les décisions, ajoutée aux difficultés de la vie qu’un salaire ne permettant plus de couvrir les besoins qutidiens, constitue autant de raisons de colères.Les enjeux de la réforme du système sont si importants que nul n’a le droit de les compromettre pour de simples querelles de personnes ou de procédures. Car en définitive l’orientation générale du pays, les valeurs démocratiques qu’on cherche à promouvoir doivent être cultivées dans les consciences des jeunes élèves que nous formons pour que demain, la moisson soit à la hauteur des espérances.Ibrahima FalilouProfesseur à Nouadhibou

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